fier sur son rocher
gardien du bras de mer
clan maclean
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proud on its rock
keeper of the sound of mull
clan maclean
L'Oeil Ouvert : photo et poésie
Haïkus et calligrammes, rêverie sur le monde… le voyage imaginaire d'Ossiane
fier sur son rocher
gardien du bras de mer
clan maclean
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proud on its rock
keeper of the sound of mull
clan maclean
doux camaïeu
pour repaire de pierre
enveloppe de terre et de ciel
carrément cubique
sous le dodelinement
impavide regard
Les formes se confrontent
les angles et les courbes
pas des pains de tourbe
l’élancement du castel
le fait tendre vers le ciel
manifeste en élévation
suzeraineté et souveraineté
en veille au bord du loch
il ne relâche pas sa présence
mais enchâssé dans l’ombre
d’une montagne grise et douce
le contraste est dans le contour
comme dans le ton
le territoire est vaste
mais le manoir est affaire de caste
dans les clans l’unité est forte
qui réunit les hommes
leurs communautés vivantes
bruissent des éclats de rire
Devant le rideau de brume, faisant corps avec la pierre découvrir ce spectre théatral à l’allure imposante et croire entendre une musique celtique en fond sonore à vous en donner le frisson…
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Gardien de légende
Cet étrange qui nous hante
Le castle dans l’ombre
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Bon weekk-end même pour ceux dont le soleil se montre si timide en cette fin de juin
Résister
A l’attaque du temps
A la rigueur du présent
A l’empreinte de l’oubli
sombre mais fier gardien !
L’image est superbe Ossiane, cette photo laisse une impression d’étonnement de mystère entre ciel et mer, un château comme sorti d’un conte de fée.
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Faut-il taire les mots si vous n’êtes Barde
Devant ce paysage peu familier en ces terres lointaines
Il s’avère difficile de les écrire… peur de trahir
Ils apparaissent comme fragiles, inappropriés
L’émotion ressentie semble ne pouvoir se traduire
Autrement que dans une langue gaélique
(A l’image des poèmes d’Ossian)
Tant l’authentique est jusque dans le silence.
Des poètes comme Guillevic et Yeats
Ont les mots justes, d’intonation celtique
Où la mythologie laisse ses empreintes,
Tout comme dans la poésie didactique
Les poètes épiques de la Grèce antique
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Et puisque je cite Yeats envie de vous recopier ce poème traduit par Keyvan Sayar que je trouve très beau :
« Si je pouvais t’offrir le bleu secret du ciel
Brodé de lumière d’or et de reflets d’argents
Le mystérieux secret, le secret éternel
De la nuit et du jour, de la vie et du temps
Avec tout mon amour je le mettrais à tes pieds
Mais tu sais je suis pauvre et je n’ai que mes rêves
Alors c’est de mes rêves qu’il faut te contenter
Marche doucement, car tu marches sur mes rêves »
comme il est beau, ce poème de Yeats,
merci à Keyvan Sayar de l’avoir traduit,
et à toi, Monique, de le partager.
Et je t’offre mes rêves
Et je t’offre ma vie
Quand dans mes parts de rêves
Se nichent mes pleins de vie
Et mon réel joli je l’offre
Et je déguste de se *levivre
<Ensemble
jolie après midi de soleil pour chacun!
Merci Annick pour ce bel écho à ce poème de Yeats au coeur de cet après midi enfin estival !
J’arrive devant la mer, ses vagues,
les marées que septembre courrouce, les gris
et les bleus qui alternent avec d’étranges verts;
une voix traite de la folie, ou du regard vide
des poissons, ou d’un thème aussi desséché que les algues
à marée basse; un vent a parcouru la plage,
dans le silence du soir, restituant au corps des eaux
une unité ancienne. La mer, cependant, suppose
qu’on l’oublie. Dans ses profondeurs dorment les images
que le sommeil ne conserve plus; des bras qui s’agrippent
aux mâts du naufrage. Un navire abstrait
est passé lentement sur l’horizon que le matin n’a pas vu,
pénétrant de l’autre côté de la terre, par instants
oublié par la musique des ports. Le poème m’a-t-on dit
a ignoré cette distraction : il a traversé
la limite de l’éternité, s’est vêtu de mots
nocturnes, a laissé la mort le contaminer.
En bord de mer, je ne m’aperçois de rien ; et je le dis,
lentement, répétant à voix basse,
toutes ses contradictions.
Nuno Júdice, Un chant dans l’épaisseur du temps, suivi de Méditation sur des ruines, traduit du portugais par Michel Chandeigne, Poésie Gallimard 1996, p. 48
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Merci Mathilde pour ce très beau texte de ce grand poète pas suffisamment cité et qui a écrit des merveilles je vous propose celui-ci également :
Nuno Júdice
Marée
Je parcours les mers aux rivages
de papier ; dans les détroits couverts de brume,
je plie les dernières tempêtes de la mémoire. Je franchis
cet horizon fermé comme les yeux d’Adamastor,
déchirant la peau des tropiques jusqu’à trouver
le sang de la terre. Je me laisse porter par la lenteur
des rythmes, par la houle nonchalante des voyelles,
perdu dans l’immensité de la phrase.
Je reviens au poème. Je m’abrite sous d’infinies
strophes obscures ; je me heurte aux vers, ballotté
de tous côtés ; puis j’arrive dans ce couloir
où tu m’as attendu, et je vois ton image
se refléter encore sur le mur des mots, avec
l’écho lumineux qui naît de ton visage. « Viens
avec moi », je te dis, « trouver ce port où les bateaux
reviennent de leurs voyages silencieux, où des êtres
dépourvus d’yeux nous attendent qui nous offriront
leur abri de pierre ».
Là-haut, sur le sommet des dunes, j’ai dessiné
un chant dans l’épaisseur du temps
une plage aux contours de tes lèvres,
le bruissement d’ailes qui traverse tes yeux
en un battement de paupières, et la marée montante
déferlant son drap d’écume blanche.
Haute voltige
Au bout de l’île noire
Château hissé haut
Ode hissée haut
pas de supplice
pour l’hirsute Ulysse
A l’orée des monts où l’étrange s’insinue
Dans l’ombre où les mots se cachent
Quand ils n’osent le plein jour
A l’avant d’une scène improvisée
Entre un ruban de mer
Et un rideau de brume
Tombé du crépuscule
Il y a les secrets d’une demeure
Dans le silence de la nuit
Une silhouette dans la pénombre
Qui retient son souffle et ses cris
Mots cruels trop cruels sans doute
Qui d’une Ode feraient une Tragédie
Quand la nuit tombe et que les enfants dorment
Qu’on accuse les fantômes de jouer aux mauvais rêves
Quand tout est pantomime sur fond de drame et de chagrin…
Tous ces mots que l’on a tus
Accrochés à ces rocs
Sur lesquels se sont construites
Ces forteresses de mémoire
Sont faits des fossiles de l’histoire
De gloires, d’infamies,
De défaites et de victoires
Polis malaxés par les vents
Ordonnés au fil du temps
Pages qui se tournent
Sous l’œil bienveillant des anges
Pour les rendre plus magiques encore
Reformulés, réinventés, fabulés
Parchemin de pierres
Palimpseste de légendes oubliées
Syllabes égarées d’un gaélique déformé
Que des poètes aux noms illustres
Ont sortis des cachots du silence
Pour la réminiscence du passé
Rochers de livres ouverts à jamais refermés.
« Toute œuvre est un palimpseste – et si l’œuvre est réussie le texte effacé est toujours un texte magique » Julien Gracq